Sunday, August 03, 2008

Désastres de la mondialisation

Alors que j'écoute Don Carlo et le célèbre air "Dio, che nell'alma infondere", en mangeant mon yaourt, plutôt en le savourant, ce yaourt acheté au discount à côté de chez moi, et dont l'origine est une Molkerei de Gmunden, un village d'Oberösterreich, je suis tout remonté, à savoir contre la globalisation, la mondialisation, la libéralisation des marchés à tout va, die Globalisierung, globalization, un mot lui aussi globalisé car identique dans beaucoup de langues!

Pourquoi?

Il y a plusieurs raisons à cela, qui elles-mêmes s'entrechoquent et sont liées les unes aux autres de façon inextricable. Le travail d'explication, de débroussaillement est difficile, et je tente ce soir au rythme de la musique de dégager quelques axes.

1. La libéralisation des marchés
Ce que veulent tous les grands de ce monde: la libéralisation des marchés. Pourquoi? Parce que c'est mieux économiquement (pour eux), et on a vu les malheurs liés au protectionnisme... oui, mais: rien ne prouve que la libération totale est bénéfique dans la pratique. On se base sur des modèles économiques plus proches de l'irréalité que d'un brin de réalité. Et: si le protectionnisme "à tout va" est mauvais, un peu de protectionnisme peut-être pas, du moins réparti avec fairness.
Le FMI (Fonds Monétaire International, que Stiglitz a fui rapidement après en avoir été le chef je crois) oblige les pays du Tiers-Monde à ouvrir leur marché financier, ce qui provoque un désastre économique pour l'économie locale de ces pays, et qui enrichit bien entendu les "Herren" des pays riches.
L'Europe sort ses mesures de protectionnisme face à la Chine et chaque fois qu'un produit est menacé en Europe, mais elle refuse que les autres pays posent des barrières face aux produits européens. Résultat: les produits agricoles, fortement subventionnés par la PAC, sont moins chers en Europe et se vendent sur les marchés de Bamako, annihilant par la même occasion toute possibilité de décollage agricole pour le Mali. Les subventions démesurées maintiennent les prix artificiellement bas, et cela reste encore à discuter et prouver bien sûr, mais pas ici.

2. La gestion bête et bureaucratique, paradoxalement.
Paradoxalement, car on pourrait penser que libéralisation rime peu avec bureaucratie. En Europe, on est très fort, on fait les deux. L'offre de lait est fixée au niveau européen, résultat, comme les bureaucrates ne maîtrisent rien du tout en fait, sinon ce chiffre de production, quand la Chine veut soudain boire du lait, et que notre marché du lait est ouvert, la Chine se sert et là, patapoum! Le prix du lait augmente, c'est la panique, les distributeurs profitent de la panique pour augmenter leurs marges, insinuant la nécessaire répercussion des prix, et du coup partout en Europe, le lait, le beurre, les yaourts voient leurs prix augmenter tragiquement.

3. La désorientation
Quelque part, ça désoriente de vivre dans ce monde globalisé. L'Homme est-il finalement un animal fait pour vivre à Paris en mangeant des bananes d'Afrique du Sud et du boeuf argentin achetés au supermarché du coin? Rappelons le contexte: l'environnement commence doucement à importer, et le prix du pétrole creuse un puit dans nos porte-monnaies. En septembre dernier, j'ai acheté des Eierschwammerl de Sibérie au supermarché à côté, alors que la Wienerwald est paraît-il réputée pour ses Eierschwammerl qui y poussent en abondance. Le week-end dernier, j'étais dans le Vorarlberg chez un ami, dont la maison donne sur une ferme où ils vont chercher les oeufs frais et le lait. C'est peut-être exagérer ma pensée, mais tout de même, je préfère une économie agricole de proximité.

4. L'égalisation mondiale des prix
Economiquement et théoriquement parlant, la libéralisation des échanges a tendance à tirer les prix vers un prix unique mondial. En économie théorique, un salaire est vu comme un prix, à savoir le prix sur le marché du travail. Libéralisation signifie aussi "salaire unique" (on est dans la théorie) sur un marché du travail mondial. Les marchés du travail ne sont évidemment pas encore ouverts, mais le phénomène de délocalisation, dans la mesure où ceux qui délocalisent savent s'organiser dans l'économie mondiale, a le même effet qu'une libéralisation du marché du travail. On se trouve donc engagé malgré nous dans un processus d'égalisation des salaires au niveau mondial. Et en Europe, depuis 1990, le pouvoir d'achat stagne, c'est cela?... Et en Chine, ça augmente, heureusement!
Car soyez-en aussi sûrs que les grands de ce monde - les grands actionnaires des multinationales - savent que la libéralisation des marchés leur est bénéfique: dans quelques années, salaires des ouvriers européens et chinois seront au centime près les mêmes. Plus le processus est rapide, plus ça va faire mal chez nous.

5. La pauvreté
Et là, je vois les chiffres de la pauvreté en France (officiellement 13.2% de la population, vit avec moins de 880€ par mois, soit presque 8 millions de personnes, il y a une Autriche pauvre en France, et les ministres en sont surement tout retournés) et en Autriche (officiellement 13,2% avec moins de 785 euros par mois, 20% avec moins de 916 euros par mois!! impressionnant j'aurais pas cru, mais je n'ai bien sûr pas encore tout vu ici) et je me demande comment les pays européens (sans doute dans des situations identiques aux deux exemples, voire pire pour l'ex-RDA) vont vivre leur cohésion sociale dans les années à venir.

6. L'entreprise non civique
Il ne faut certainement pas compter sur les entreprises pour augmenter les salaires, concurrence internationale oblige. Et en plus, vu que les sièges des entreprises ne sont souvent pas dans le pays où les gens sont employés, il n'y a pas d'esprit civique qui joue, l'idée que l'entrepreneur se dit: je paye bien mes employés, car ce sont aussi mes amis, et je veux le bien de leur famille, qui est aussi par suite le bien de l'économie régionale, où mon entreprise est active. Bref, pour faire court, l'idée qu'avait Adam Smith en 1776, la "Main Invisible", cette idée est révolue dans notre économie globalisée. Les Grands de ce monde décident et veulent plus de rentablilité, coûte que coûte. Et là, j'entends cet air tragique et majestueux de Don Carlo, fin de l'Acte II.

7. Le capitalisme en délire
On se retrouve au final dans un système bâti par l'Homme et tourné peu à peu contre l'Homme. Avait-on demandé tant du capitalisme? Certainement pas. On subit la mégalomanie de quelques fous au pouvoir de l'économie mondiale qui décridibilisent le système capitaliste. On prend conscience petit à petit que le capitalisme devient une dictature et n'est plus un mode d'organisation de l'économie. La solution? C'est déjà commencer - et cela au niveau mondial, étant donnée les circonstances dans notre super économie mondialisée - c'est commencer par mettre des règles pour limiter les trop grandes richesses ou les trop gros salaires qui n'ont plus de sens au niveau bien-être matériel. Dire par exemple qu'un Homme sur terre n'a pas le droit d'avoir plus d'un milliard de dollars en fortune personnelle, 1000 millions... c'est déjà pas mal. Qu'un homme ne peut gagner plus de 50 millions de dollars par an en salaire... Cela devrait déjà changer quelque chose sur notre terre!



No comments: